LE GRAND ENNEMI DE LA FOI N’EST PAS LA RAISON MAIS LA PEUR
« Qu’est-ce que la foi? Le Catéchisme de l’Eglise catholique nous explique que la foi est l’acte par lequel l’être humain s’abandonne librement à Dieu (n. 1814). Dans cette foi, Abraham a été le Grand père. Lorsqu’il accepta de quitter la terre de ses ancêtres pour aller vers celle que Dieu lui montrait, il a sans doute été jugé fou : pourquoi quitter le connu pour l’inconnu, le certain pour l’incertain ? Mais pourquoi faire cela ? Est-il fou ? Mais Abraham s’est mis en route, comme s’il voyait l’invisible. C’est ce que dit la Bible d’Abraham : « Il alla comme s’il voyait l’invisible ». Cela est beau. Et c’est encore cet invisible qui le fera monter sur la montagne avec son fils Isaac, le seul fils de la promesse, qui ne sera épargné qu’au dernier moment du sacrifice. Dans cette foi, Abraham devient le père d’une longue lignée d’enfants. La foi l’a rendu fécond. (…)
Une femme de foi sera la Vierge Marie qui, en recevant l’annonce de l’Ange, que beaucoup auraient rejetée comme étant trop difficile et risquée, a répondu: «Je suis la servante du Seigneur; qu’il m’advienne selon ta parole» (Lc 1, 38). Et le cœur plein de foi, le cœur plein de confiance en Dieu, Marie part sur une route dont elle ne connaît ni le tracé, ni les dangers.
La foi est la vertu qui fait le chrétien. Car être chrétien, ce n’est pas d’abord accepter une culture, avec les valeurs qui l’accompagnent, mais être chrétien signifie accueillir et chérir un lien, un lien avec Dieu : Dieu et moi ; ma personne et le visage aimable de Jésus. Ce lien est ce qui nous rend chrétiens.
En parlant de foi, un épisode de l’Évangile me vient à l’esprit. Les disciples de Jésus traversent le lac et sont surpris par la tempête. Ils pensent s’en sortir à la force de leurs bras, avec les ressources de l’expérience, mais la barque commence à se remplir d’eau et ils sont pris de panique (cf. Mc 4, 35-41). Ils ne se rendent pas compte qu’ils ont la solution sous les yeux : Jésus est là, avec eux, dans la barque, au milieu de la tempête, et Jésus dort, dit l’Évangile. Lorsqu’ils le réveillent enfin, effrayés et même en colère parce qu’il les a laissés mourir, Jésus les réprimande: «Pourquoi avez-vous peur? N’avez-vous pas encore la foi ?» (Mc 4, 40).
Voilà donc le grand ennemi de la foi: non pas l’intelligence, non pas la raison, comme certains continuent hélas de le répéter de manière obsessionnelle, mais le grand ennemi de la foi est la peur. C’est pourquoi la foi est le premier don à accueillir dans la vie chrétienne : un don qu’il faut accueillir et demander chaque jour, pour qu’il se renouvelle en nous. Apparemment, c’est un petit don, mais c’est l’essentiel. Lorsque nous avons été portés sur les fonts baptismaux, nos parents, après avoir annoncé le nom qu’ils avaient choisi pour nous, se sont vus demander par le prêtre — c’est ce qui arrive lors de notre baptême —: «Que demandez-vous à l’Eglise de Dieu?». Et les parents ont répondu : « La foi, le baptême !».
Pour un parent chrétien, conscient de la grâce qu’il a reçue, c’est le don à demander aussi pour son enfant : la foi. Avec elle, un parent sait que, même au milieu des épreuves de la vie, son enfant ne se noiera pas dans la peur. Oui, l’ennemi est la peur. Il sait aussi que, lorsqu’il cessera d’avoir un parent sur cette terre, il continuera d’avoir un Dieu Père dans les cieux, qui ne l’abandonnera jamais. Notre amour est si fragile, seul l’amour de Dieu surmonte la mort.
Certes, comme le dit l’apôtre, la foi n’est pas l’apanage de tous (cf. 2 Th 3, 2), et même nous, qui sommes croyants, nous nous rendons souvent compte que nous n’en avons qu’une petite parcelle. Jésus peut souvent nous reprocher, comme à ses disciples, d’être des « hommes de peu de foi ». Mais c’est le don le plus heureux, la seule vertu qu’il nous est permis d’envier. Car celui qui a la foi est habité par une force qui n’est pas seulement humaine ; en effet, la foi « fait jaillir » en nous la grâce et ouvre l’esprit au mystère de Dieu. Comme l’a dit un jour Jésus : «Si vous aviez de la foi comme un grain de sénevé, vous auriez dit au mûrier que voilà: “Déracine-toi et va te planter dans la mer”, et il vous aurait obéi!» (Lc 17, 6). C’est pourquoi nous aussi, comme les disciples, nous lui répétons: «Seigneur, augmente en nous la foi!» (cf. Lc 17, 5). C’est une belle prière ! Voulez-vous que nous la disions tous ensemble ? « Seigneur, augmente en nous la foi!».
Pape Francois Audience 2 mai 2024
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