Feuille Paroissiale n°28 – Du samedi 8 au dimanche 16 Juillet –

Le repos est-il une vertu chrétienne ? Une certaine conception de la vie chrétienne idéalise le travail et culpabilise les gens osant se reposer. Ne dit-on pas « on aura toute l’Éternité pour se reposer » ? Pourtant, dans l’Évangile, le Christ ne s’interdit pas le repos et Il commande à ses Apôtres de se reposer. Dieu Lui-même se repose le septième jour. Et la perfection du Ciel, la béatitude, n’est-elle pas le repos éternel ?

Alors certes, l’image du transat ne suffit pas à décrire le repos véritable. Ce verset du Psaume 4 nous sera d’un plus grand secours : « Dans la paix, dans l’unité, je me suis endormi, je me suis reposé ». Dans la Tradition biblique, le repos est lié à l’unité : l’unité avec soi-même, avec la création, avec les autres, avec Dieu.

De façon évidente, nous vivons dans une société dont le rythme s’accélère, où la multiplication des activités et la surinformation ruinent l’unité de la personne. L’homme moderne est de plus en plus dispersé et superficiel. Vivant à la surface de lui-même « dans la banlieue de son âme », disait le Père Caffarel. Il éprouve de grandes difficultés à développer sa vie intérieure, à s’émerveiller, à écouter les autres. Impatient, il veut gagner toujours plus de temps, remplir son agenda au maximum. Il privilégie la quantité sur la qualité et estime qu’il se réalise dans l’efficacité et le rendement. Et nous vivons éclatés, hors de nous-mêmes.

Certes, Dieu travaille six jours et se repose le septième, mais saint Augustin explique bien que le sommet de la Création est le jour du repos. Celui-ci n’est pas une non-activité, mais une activité suréminente. Pendant six jours, Dieu crée en dehors de Lui-même. Le septième jour, Il se repose en Lui-même. C’est là qu’Il trouve son bonheur : « Dieu se complaît en soi avant de se complaire dans les choses qu’Il a faites », dit saint Augustin.

Il y a là une invitation à l’intériorité : à descendre en nous-même, à taire l’agitation pour nous retrouver nous-mêmes. Il y a aussi une invitation à ne pas nous délecter de nos œuvres extérieures, aussi bonnes soient-elles, mais à reconnaître le seul vrai et immuable bien, qui est à la source de tout bien. Comme Dieu, c’est en Lui-seul que nous devons et pouvons nous complaire et c’est en cette contemplation que consiste le vrai repos. Saint Augustin l’explique fort bien dans ses Confessions : « Mon cœur est sans repos tant qu’il ne repose pas en Toi. » Cela peut se traduire de la sorte : « Mon cœur est insatisfait tant qu’il ne repose pas en Toi. » Le repos est ainsi notre terme, notre but. Après le repos physique légitime, nous visons à nous reposer en Dieu. C’est une véritable ascension.

Le repos est aussi une promesse, comme le rappelle l’Évangile de ce dimanche : « Venez à moi, vous tous qui peinez et ployez sous le fardeau, et moi je vous procurerai le repos » (Mt 11, 25-28).

Dans un monde où règne l’efficacité, il faut du courage et de l’humilité pour oser se reposer ! Cela nécessite une remise en ordre totale de nos vies. Si le monde récuse tant le repos authentique, c’est qu’il pressent que celui-ci mène à Dieu. Le prince de ce monde redoute toute émergence de la contemplation. La citation de Bernanos est toujours d’actualité : « Notre civilisation moderne est une conspiration universelle contre toute espèce de vie intérieure. »

Alors cet été, sachons perdre du temps gratuitement. Ne cherchons pas à tout gérer, à tout planifier, à tout occuper. Laissons-nous surprendre par Dieu, la Création, la littérature, les autres. Faisons les choses plus lentement, les unes après les autres. Et dormons davantage !